Devoir de vigilance sur les chaines d’approvisionnement : ce qui va changer pour les entreprises européennes (et leurs fournisseurs)

Devoir de vigilance sur les chaines d’approvisionnement

Avec l’adoption en juin prochain de la directive européenne, les grands groupes vont devoir respecter de nouvelles exigences qui vont s’appliquer à l’ensemble de leurs chaines d’approvisionnement, et donc par répercussion à tous leurs fournisseurs. La visibilité sur les Supply Chains et l’efficacité de leur pilotage vont devenir des enjeux RSE encore plus importants.

Obligations nouvelles et étendues

L’heure est à l’anticipation pour les entreprises. Validée dans ses principaux mécanismes en décembre dernier puis approuvée par les Etats membres le 15 mars dernier (accord finalement trouvé après que l’Allemagne et la France eurent contesté certaines conditions), la directive européenne sur le devoir de vigilance (Corporate Sustainability Due Diligence Directive - CSDDD) devrait être adoptée en juin prochain et entrer en vigueur progressivement à partir de 2027. Son impact va être considérable pour les entreprises opérant en Europe, qui vont devoir répondre à des exigences particulièrement étendues.

Quelles vont être ces nouvelles obligations ? Pour simplifier, retenons deux grands axes.

Premièrement, la CSDDD peut être vue comme une extension de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) : alors que cette dernière a pour objectif de standardiser les reporting et les données ESG des entreprises, la CSDDD vise à contrôler et améliorer leurs pratiques en matière de respect des droits humains et de protection de l’environnement. En synthèse, la CSDDD rend les entreprises comptables de l’impact de leurs activités sur ces deux aspects fondamentaux.

Deuxièmement, ces nouvelles obligations vont s’appliquer à un très large périmètre : l’entreprise elle-même, mais aussi l’ensemble de ses chaines d’approvisionnement, c’est-à-dire l’ensemble de ses fournisseurs et partenaires commerciaux.

Concrètement, cela signifie que les entreprises doivent anticiper la nécessité de cartographier la totalité de leurs chaînes d'approvisionnement, de réaliser une évaluation des risques, de partager les résultats avec leurs divers partenaires et d’en rendre compte. En cas de constatation de violations chez leurs fournisseurs, il leur incombe d'agir pour remédier à la situation, sous peine d’injonction de mise en conformité et d’amendes (jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires).

Cela signifie aussi que, même si elles ne sont pas directement concernées par les obligations de la CSDDD (qui s’applique aux entreprises réalisant plus de 450 M€ de CA et employant plus de 1000 personnes), les PME et les ETI le seront par répercussion.

Visibilité et collaboration sur la supply chain

Les grands groupes et les leaders internationaux ont-ils attendu cette nouvelle directive pour rendre leurs chaines d’approvisionnement plus durables ? Non, car c’est le commerce qui dicte les choix stratégiques et opérationnels. Or, comme le rappellent régulièrement les études, les consommateurs, - particulièrement les jeunes générations - sont de plus en plus attentifs aux aspects environnementaux et au respect des droits humains dans les comportements d’achat. En France, près de 9 consommateurs sur 10 privilégient les livraisons respectueuses de l’environnement, et la moitié sont prêts à payer plus cher pour une livraison durable. Chez les 24-35 ans, près de 20 % des consommateurs déclarent même vouloir boycotter les marques qui ne sont pas soucieuses de l’environnement. Les entreprises ont très bien compris cette évolution des comportements d’achat. Elles répondent à ces attentes en réduisant leur impact et en adaptant leurs Supply Chains, notamment à travers l’exploitation intelligente des données et une collaboration toujours plus efficace avec leurs fournisseurs. Par exemple en travaillant à optimiser les commandes et les expéditions, à définir les meilleurs plans de transport, à mieux gérer les retours, etc.

Rendre les chaines d’approvisionnement plus durables, c’est d’abord les rendre plus efficaces. En réalité, ces deux aspects vont souvent de pair : devenir une entreprise plus durable permet souvent de réaliser des économies et des gains d'efficacité considérables. Et cela fait déjà plusieurs années que les grands groupes sont engagés dans cette démarche d’optimisation globale avec leurs fournisseurs, grâce notamment à un suivi toujours plus précis de leurs activités.

Ruissellement positif

Qu’apporte donc la directive CSDD ? Disons-le clairement : elle est avant tout un outil juridique. Pour les entreprises européennes, elle va d’abord se traduire par des coûts et des procédures supplémentaires… ce qui pourrait les pénaliser en termes de compétitivité par rapport aux entreprises extra-européennes.

Il n’en reste pas moins que l’intention est bonne (même s’il n’est pas certain que les consommateurs la valorisent) et que la directive répond précisément au sens de l’histoire. L’une de ses principales vertus sera peut-être son effet de ruissellement : en obligeant les entreprises à appliquer et contrôler les exigences de la CSDDD sur tout leur écosystème, les Supply Chains vont devoir accélérer leurs performances environnementales et leur capacité à rendre compte. Car, encore une fois, c’est seulement en étant plus efficaces que les chaines d’approvisionnement seront plus durables.